Günther Anders
Diriger les masses dans le style de Hitler est désormais inutile : si l’on veut dépersonnaliser l’homme (et même faire en sorte qu’il soit fier de n’avoir plus de personnalité), on n’a plus besoin de le noyer dans les flots de la masse ni de le sceller dans le béton de la masse. L’effacement, l’abaissement de l’homme en tant qu’homme réussissent d’autant mieux qu’il continuent à garantir en apparence la liberté de la personne et les droits de l’individu. Chacun subit séparément le procédé du « conditioning », qui fonctionne tout aussi bien dans les cages où sont désormais confinés les individus, malgré leur solitude, malgré leurs millions de solitudes. Puisque ce traitement se fait passer pour « fun »; puisqu’il dissimule à sa victime le sacrifice qu’il exige d’elle; puisqu’il lui laisse l’illusion d’une vie privée ou tout du moins d’un espace privé*, il agit avec une totale discrétion.
Günther Anders, « L’obsolescence de l’homme »
* je dirais « puisqu’il lui laisse de choix de la chaîne »…